Nous avons eu le plaisir de rencontrer Jean-Baptiste Rabouan, photographe-auteur saumurois, dans le cadre de notre rencontre « un café avec un photographe ».

Ce photographe-voyageur, à l’approche humaniste et ethnographique, a toujours connu la photographie en tant qu’auteur. Un témoignage riche d’expériences…

Avant tout, présente-toi en quelques mots :

Je suis un «vrai» photographe auteur professionnel depuis 1984. Aujourd’hui je me rends compte que c’est important de le signaler car cela devient de plus en plus rare. Je pense aussi que c’est une question de génération. Quand j’ai commencé le photo-reportage c’était en argentique. Ça nécessitait donc de la technique, des moyens financiers, des contacts à l’international. Le contexte demandait donc du professionnalisme et était plus fermé. Au-delà du fait qu’il y avait besoin de remplir les pages des hebdos et magazines et qu’il existait un vrai schéma économique.

J’ai commencé la photo à l’âge de 14 ans dans le laboratoire de mon grand-père, photographe amateur. Ensuite chez les scouts. Puis j’ai fait un CAP photo à Paris, en 1981, et je suis devenu assistant de Christian Rivière, un grand photographe de mode, jusqu’en 1984.

J’ai ensuite monté un studio photo de pub à Paris, que j’ai conservé jusqu’en 1991. Je me suis alors orienté vers plus de reportage photo personnel et d’écriture. J’ai sorti mon premier livre. A cette époque, je suis rentré chez Gamma, puis en 2000 je suis devenu collaborateur pour le magazine Grands  Reportages.

J’ai ensuite beaucoup travaillé en Inde, notamment sur la laine, et réalisé plusieurs ouvrages, dont le dernier, «À la recherche des laines précieuses» (Glénat), avec la collaboration de Dominic Dormeuil.

J’écris aussi des romans. J’adore écrire. Je pense d’ailleurs que si j’ai pu vivre de la photo c’est aussi grâce à cela. Notamment parce que je pouvais proposer aux agences et à la presse des reportages complets avec textes et photos.

Jean-Baptiste Rabouan - Photographe

 

Pourquoi ce sujet t’a particulièrement attiré ?

Ce qui m’a intéressé dans la laine c’est le lien qui existe entre les fibres animales et l’histoire des civilisations. La technique en tant que telle m’intéresse moins que la dimension culturelle, le rapport entre l’homme, l’animal et son environnement.

Quelle approche de la photographie préfères-tu ?

Celle du reportage, de l’approche ethnographique et humaniste. Je suis un adepte de la photographie naturelle et documentaire, peut-être parce que j’ai commencé en diapo. Je traite mes photos numériques aujourd’hui mais je ne fais pas de montage ou d’infographie…

Je passe du temps avec les personnes que je photographie et j’attends le bon moment. Pour moi, la photo c’est un accident circonstanciel, qui demande toutefois un travail d’implication préalable.

Es-tu influencé par d’autres photographes ?

Entre 15 et 16 ans, j’ai découvert William Klein qui m’a donné envie de faire de la photo, puis Roland et Sabrina Michaud. Et puis d’autres grands noms de l’époque, comme Guy le Querrec, Henri Cartier-Bresson, Koudelka…

Aujourd’hui, je ne suis plus influencé en tant que tel, mais je regarde beaucoup de photos, d’expos et de livres. J’admire notamment le travail de Sebastiao Salgado, de Steeve Mc Curry ou encore de Michael Kenna… Et puis j’ai des amis photographes de la région avec qui j’échange beaucoup.

As-tu un souvenir d’un shooting que tu souhaites partager avec nous ?

Il y en a beaucoup, c’est dur… Les photos que j’ai choisies pour mes couvertures de livres sont particulièrement importantes pour moi.

Je peux te parler de celle de «Mother India» par exemple. Je venais d’arriver de 12 heures de voyage, plus le décalage horaire. J’étais épuisé, il était tard, j’étais cuit, mais je devais aller voir le distillateur, chez qui je devais aller faire des photos le lendemain pour faire du repérage. J’hésite et finalement je prends quand même un boîtier. J’arrive, on commence à discuter du lendemain et je vois à travers une fenêtre un gars dans un patio qui balance des roses. Je demande si le gars fait ça le lendemain aussi. On me dit que non, c’est juste ce soir et que ça arrive une fois par an.  Heureusement, j’avais mon boîtier, je grimpe sur le toit et je fais la photo. Alors que normalement, je partais sans mon appareil. Et je l’aime beaucoup.

Après, il y a aussi pas mal de situations cocasses avec les moutons. C’est très difficile à photographier. Ça demande aussi quelques fois de la chance et de l’énergie. Comme la fois où je venais aussi d’arriver de voyage. Exténué là encore. Je devais rester deux jours mais en arrivant, les indiens Quechuas  me disent que le programme a changé et que l’on part maintenant en altitude. J’ai 15 kilos de matos, je suis crevé. Il me donne un sac rempli de feuilles de coca à mâcher. Et on est finalement parti pour 5000 mètres d’altitude. J’ai tenu…

Jean-Baptiste Rabouan - Photographe

 

Quel matériel photo utilises-tu ?

En reportage, j’ai beaucoup utilisé Nikon. D’abord en argentique puis en numérique. Un peu Leica aussi. Et depuis peu, je suis passé au Fuji XT1 pour certains reportages, notamment pour la légèreté et la discrétion. J’utilise encore un Nikon D800 pour certains travaux demandant, par exemple, une haute résolution.

En objectif, ma focale de prédilection c’est le 18 mm. Je suis vraiment un photographe du grand-angle. J’adore utiliser cette focale. J’aime être proche des sujets que je photographie. J’ai aussi des téléobjectifs évidemment.

Passes-tu plus de temps à préparer la prise de vue ou à traiter tes photos ?

Je traite mes photos normalement, mais je me méfie beaucoup du pictorialisme et des filtres  que l’on retrouve facilement et qui sont utilisés à tout va. Je ne dis pas que ce n’est pas bien, je dis que ce n’est pas pour moi. Je préfère la photo pour ce qu’elle est. Je fais finalement sur ordinateur, ce que je faisais sous l’agrandisseur.

Toutefois, chaque photo est travaillée selon le support et son utilisation finale. Je peux passer beaucoup de temps sur une photo pour la préparer au mieux, avec une réflexion importante sur le choix du format ou du papier, en fonction de ce que représente l’image.

As-tu des projets ou des idées pour 2016 ?

Plusieurs expositions, dont une grande expo à Strasbourg que je suis en train de préparer. Je ne peux pas t’en dire plus encore…

Il y a aussi un nouveau livre en préparation.

Aujourd’hui, je fais moins de presse et d’édition. Je me concentre davantage sur des expositions et des ouvrages.

Quel photographe aimerais-tu que l’on interviewe ?

Je peux te conseiller de rencontrer Louis-Marie Préau ou Philippe Body, deux amis photographes dont j’admire beaucoup le travail.

Si vous voulez découvrir le travail de Jean-Baptiste Rabouan, vous pouvez le retrouver sur son site internet ainsi que sur sa page Facebook, ou encore via ses livres :

Livres photo-texte :

  • Mother India, Glénat, 2010 (épuisé)
  • À la recherche des laines précieuses, Glénat, 2015 ; textes écris en collaboration avec Dominic Dormeuil.

Romans auto-édités chez Amazon :

Propos recueillis par Vincent DHETINE (mars 2016).

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